Il va falloir y aller à coups de bazooka. C’est en ces termes belliqueux que le ministre fédéral des Finances [et vice-chancelier social-démocrate] Olaf Scholz (SPD) a décrit le train de mesures annoncées pour lutter contre la crise du coronavirus, d’un montant de 1 200 milliards d’euros. Scholz compte sur un effet à la Draghi. En espérant que les promesses politiques suffiront et que peu d’autres garanties seront nécessaires.

 

En 2012, il s’était agi de faire front face à une crise financière, aujourd’hui, le monde fonce droit dans une récession qu’il s’est imposée. Il est fort possible que le gouvernement fédéral soit contraint de mettre effectivement de l’argent sur la table – contrairement à Draghi et son “Whatever it takes” (“Quoi qu’il en coûte”). 1 200 000 000 000 euros. Ça en fait, des zéros. Qui va payer tout ça ?

 

Trop de clémence envers la criminalité financière

 

Le débat sur la répartition de la charge a commencé. Les ménages et les entreprises qui s’acquittent régulièrement et honnêtement de leurs impôts ne devraient pas être les seuls à en supporter le poids. C’est pourquoi Saskia Esken, la présidente du SPD, a appelé les riches du pays à puiser dans leur fortune. Une proposition à laquelle on pouvait s’attendre, et ce n’est d’ailleurs pas une raison pour considérer qu’elle est dépourvue de mérite. Mais elle n’y a pas réfléchi en détail.

 

Car en fait, pourquoi les gens honnêtes devraient-ils être les seuls à devoir répondre présent en période de catastrophe ? Qu’en est-il de ceux qui se soustraient à l’impôt, de ceux qui ont fait fortune de façon malhonnête et qui même en Allemagne blanchissent l’argent sale que leur rapportent la prostitution, le trafic de drogues et d’armes ? Il y a longtemps déjà que le gouvernement fédéral ferme les yeux sur la délinquance financière. La saisie de 77 biens immobiliers appartenant à un clan kurdo-libanais à Berlin est loin de suffire.

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Et les gros poissons ? Rappelons quelques mots-clés : Panama Papers, Russian Laundromat [la “Laverie russe”, une filière de blanchiment d’argent venu de Russie qui aurait porté sur 20 à 80 milliards de dollars en 2010-2014], Danske Bank. Ces affaires ont suscité la colère, mais l’argent est pour l’essentiel resté aux mains des criminels. Ils ont pu le blanchir, par exemple en achetant de l’or, des biens immobiliers et des sociétés.

 

La conférence sur la sécurité de Munich évalue le volume d’argent blanchi dans le monde à 4 200 milliards de dollars, une partie contribuant à financer le terrorisme international. Dans une étude exhaustive, l’université de Londres a calculé que l’évasion fiscale dans l’Union européenne (UE) avait représenté 825 milliards d’euros en 2015. Chaque cas d’évasion fiscale coûte cher à la communauté, qui se trouve ensuite à court d’argent pour les hôpitaux, leur personnel et la médecine.

 

La justice italienne pour modèle

 

Pourquoi la classe politique répugne-t-elle tant à faire ce qui paraît être une évidence, en proposant de modifier comme il convient les lois ? À savoir, geler et saisir tous les biens dont le bénéficiaire économique, autrement dit, l’usufruitier, ne peut être identifié avec certitude. Un exemple : un contrat immobilier douteux dans une petite ville de Souabe, avec des liens éventuels à la mafia russe ou italienne ? L’État allemand doit saisir le bien immobilier concerné.

 

Des comptes bancaires suspects, détenus par des hommes de paille derrière lesquels on soupçonne des criminels de se dissimuler ? La justice doit geler ces avoirs. Au véritable propriétaire, dans un délai déterminé, de prouver aux autorités comment il a gagné tout cet argent et où il l’a déclaré au fisc. À défaut, tout doit revenir à l’État. La justice italienne applique ce principe d’inversion de la charge de la preuve dans les affaires mafieuses. Pourquoi la justice allemande n’en fait-elle pas autant ?

 

Ces dernières semaines, dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, les politiques ont pris beaucoup de décisions que l’on pensait impossibles. Le monde a aujourd’hui besoin de milliers de milliards d’euros pour rebâtir, il lui faut un plan Marshall planétaire. Le gouvernement allemand, l’UE et le G20 devraient mettre un terme au blanchiment d’argent à l’aide du système financier international. Et quand, sinon maintenant ? C’est précisément ce qu’attendent bien des gens honnêtes. La société doit reprendre l’argent à ceux qui ne le méritent pas.