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26 juillet 2014 6 26 /07 /juillet /2014 11:41

Quand l’égalité fait du bien


26 juillet 2014 | Louis Cornellier - louisco@sympatico.ca | Livres



Dans "Miser sur l’égalité", les auteurs rappellent que l’égalité passe notamment par des hausses d’impôt pour les plus riches, par le syndicalisme et par des politiques sociales solidaires.
 

Économie
Miser sur l’égalité Sous la direction d’Alain Noël et Miriam Fahmy. Chez Fides
Montréal, 2014, 280 pages

 

Chaque année, en juin, l’Institut Fraser tente d’enfumer l’opinion publique avec sa « journée de l’affranchissement fiscal » (tombée le 14 juin en 2014). L’idée est simpliste : l’Institut fait la somme des taxes et impôts que doit payer annuellement une famille moyenne et calcule le nombre de jours de travail que cela représente. Il considère cet effort comme le tribut que les contribuables doivent payer au gouvernement avant de pouvoir travailler pour eux. Le message est clair : ce que nous donnons à l’État est perdu pour nous.

Le message, cependant, est stupide : nos taxes et impôts servent évidemment à financer des services publics (santé, éducation, services sociaux, sécurité du revenu, police, justice, etc.), que nous devrions assumer directement et individuellement s’ils n’étaient financés collectivement. C’est notamment pour redire cette évidence, niée par l’Institut Fraser, que l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) a décidé d’opposer, cette année, son concept de « journée de la solidarité fiscale » à la bête « journée de l’affranchissement fiscal ». Manière de rappeler que payer des taxes et impôts, c’est aussi travailler pour nous.

« L’impôt constitue l’outil principal dont nous disposons pour exprimer nos choix collectifs en matière de citoyenneté sociale et de bien-être », explique la politologue Jane Jenson, de l’Université de Montréal, dans Miser sur l’égalité, un essai collectif qui plaide pour une société juste. Les mécanismes du marché, laissés à eux-mêmes, tendent à faire augmenter les inégalités économiques. Or ces dernières ont des effets délétères sur le tissu social et nuisent à tous, surtout aux plus pauvres, mais aussi aux plus riches.

 

Le culte de la croissance
 

Cette thèse a été solidement développée par les épidémiologistes britanniques Richard Wilkinson et Kate Pickett dans L’égalité, c’est mieux (Écosociété, 2013), un essai que j’ai qualifié, l’an dernier, de bible pour la gauche occidentale sociale-démocrate. Ce livre, en effet, établit une corrélation statistique entre la réduction des inégalités économiques et la réduction des problèmes sociaux. En comparant les sociétés riches les plus égalitaires (pays scandinaves et Japon) aux plus inégalitaires (États-Unis, Royaume-Uni, Portugal), les auteurs montrent que les premières permettent une meilleure qualité de vie à presque tous les égards. Les plus défavorisés sont les premiers à en bénéficier, mais les plus riches y trouvent aussi leur compte.

Un poncif économique veut qu’il faille créer la richesse avant de la redistribuer. Il sert principalement à nourrir un culte de la croissance économique à tout prix (dont les bénéfices sont principalement accaparés par les plus riches) et à justifier un report aux calendes grecques des politiques de redistribution. Or, selon Wilkinson et Pickett, dans les sociétés riches, la croissance économique « a achevé l’essentiel de son travail », en ce sens que « les niveaux de bien-être et de bonheur ont cessé d’augmenter de concert avec la croissance économique ». Pour améliorer la situation globale de ces sociétés, la réduction des inégalités doit être mise en avant.


Nuances et précisions

Sous la direction d’Alain Noël et Miriam Fahmy, les auteurs de Miser sur l’égalité, presque tous professeurs d’université, s’inspirent du livre de Wilkinson et Pickett pour réfléchir à l’égalité en contexte québécois, qu’ils explorent à partir d’angles différents. Tous partagent la thèse principale des épidémiologistes — l’égalité, c’est mieux —, mais plusieurs d’entre eux lui apportent des nuances et des précisions.

Philosophe, Christian Nadeau s’intéresse à la morale de l’égalité. Cette dernière, explique-t-il, permet une vraie liberté. Sans égalité, les relations entre les citoyens sont réduites à des rapports de pouvoir, alors que la liberté « implique une réelle indépendance et une interdépendance » de tout un chacun.

Économiste français, Éloi Laurent montre que les inégalités économiques détruisent l’environnement. Dans les pays riches, la classe moyenne est incitée à surconsommer pour imiter la classe riche. Dans les pays pauvres, les besoins liés à la survie font oublier le souci environnemental. Partout, « plus la création de richesses d’un pays est accaparée par un petit nombre, plus le reste de la population aura besoin de compenser cet accaparement par un surcroît de développement économique », souvent nuisible à l’environnement.

Le politologue Henry Milner insiste sur l’importance, pour réaliser l’objectif d’égalité, de la redistribution non matérielle, grâce à des services d’éducation aux adultes et au soutien des médias étatiques. Pour lui, l’égalité des compétences civiques est essentielle. « Puisque des individus informés perçoivent plus clairement les effets des choix politiques, il y a des raisons de s’attendre à ce que les sociétés informées soient plus égalitaires », écrit Milner.

Viser plus d’égalité, rappellent bien des auteurs de ce livre, passe aussi par des hausses d’impôt pour les plus riches (la tendance, depuis 30 ans, est à la baisse), par le syndicalisme et par des politiques sociales solidaires.

Cet éclairant ouvrage, qui fait toutefois l’impasse sur le scandale de l’évasion fiscale, dit rigoureusement que l’Institut Fraser .a tort.

In Le Devoir de Montréal

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