Cet article paru dans le Canard Enchaîné du 11 juin 2014 sous la rubrique "Conflit de canard" attire l'attention sur un grave problème de santé publique.
Sous le titre "Ca germe dans l'assiette", il pointe du doigt une des sources de l'épidémie d'Escherichia coli, une bactérie ultra résistante aux antibiotiques à l'origine de plusieurs dizaines de milliers de morts en Europe. Peut-on mieux percevoir l'intérêt pour un nouveau type d'agriculture ?
"Ca germe dans l'Assiette"
On le sait, à force de gaver d'antibiotiques les animaux d'élevage, on a rendu les bactéries super-résistantes. Rappelons que les trois quarts des molécules fabriquées par l'industrie pharmaceutique se retrouvent dans la gamelle des cochons, veaux, vaches et autres poulets…
Il faut dire que non seulement ces "médocs" soignent le bétail mais qu'en plus il le font pousser plus vite. Si, en 2006, l'Europe a bien interdit l'utilisation des antibios comme "stimulateurs de croissance" , elle autorise toujours les éleveurs à en saupoudrer la pitance de leur bétail, histoire de prévenir les flambées infectieuses favorisées par la promiscuité dans les poulaillers et porcheries industriels. Les médecins ont beau crier au fou, rien n'y fait. Résultat : de plus en plus de malades passent l'arme à gauche à cause de l'atterrissage dans leur assiette d'un Escherichia Coli ou d'un staphylocoque doré devenu supercoriace. Rien qu'en Europe, l'antibiorésistance provoquerait 25.000 morts par an !
Une équipe de l'hôpital de Besançon vient de découvrir que la situation est pire qu'on ne l'imaginait ("Clinical Infectious Diseases " , 15/6). Etonnés de voir arriver des flopées de malades hospitalisés pour cause d'infections urinaires carabinées, provoquées par une souche E. COli résistante aux bêta-lactamines - une importante famille d'antibiotiques -, les bactériologues ont ; pendant trois mois, multiplié les prélèvements dans le réseau d'assainissement de la ville… Et retrouvé la bactérie en pagaille dans l'eau du Doubs, à la sortie des stations d'épuration. Les chercheurs ont calculé que, chaque jour, ce sont plus de 6 milliards de gênes d'E.Coli, capables de tenir têtes aux Bêta-lactamines, qui partent ainsi à la baille. Pourquoi ? Parce que, si les stations d'épuration éradiquent peu ou prou les agents microbiens qui pullulent dans les eaux usées des hôpitaux , elles laissent allègrement filer leurs gênes de résistance. Ce dont personne ne s'était douté jusqu'à présent.
Le meilleur étant que les boues d'épuration issues de ces stations sont utilisées comme engrais par les maraîchers du coin. Dommage, elles font le plein d'E.Coli ultra-résistantes, à raison de 200.000 par grammes ! Et nos scientifiques de s'apercevoir, effarés, que ce n'est donc pas seulement la viande qui transporte des gênes de résistance aux antibiotiques mais aussi les carottes, salades et autres légumes. Un cercle vicieux qui, selon eux, expliquerait la fameuse épidémie d'E.Coli antibiorésistantes. C'est ce qu'on appelle des plats de résistance…
In "Le Canard Enchaîné" du 11/06/2014
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